La ville qui se situe dans le nord-est du Maroc tire son nom du berbère «Tizi», qui donnera plus tard Taza. «Tizi», ou vallée résume parfaitement ce qu’était auparavant cet espace : un point de passage. Un chemin incontournable pour relier les différentes autres régions du Maroc ancien, notamment entre la partie occidentale et celle orientale. Taza, qui com- mença à avoir de l’importance sous le règne de la dynastie des Idrissides, existait bien avant l’introduction de l’islam au Maghreb. On parle même de centaines d’années avant. Mais ce qui allait par la suite devenir une des plus prestigieuses capitales de l’époque n’était qu’un petit village sans grande importance.
Mais son évolution ne tarda pas à s’opérer, car ce village disposait d’un grand atout : sa position géographique. Taza était le carrefour entre l’est et l’ouest du Maroc. Pour les peuples venus de l’est, le passage par Taza était obligatoire pour joindre le reste du Maroc, notamment Fès, Meknès, jusqu’à la façade atlantique. Les Romains et les Arabes du Ma- chreq l’empruntaient pour mieux pénétrer en Afrique du nord. Les conquérants berbères également passaient par là dans leurs aventures. «Lorsqu’on a pris Taza, on finit toujours par avoir Fès» disait-on à l’époque.
Taza, ville carrefour
La position stratégique de Taza, est également dû au fait que cette ville soit nichée dans le couloir entre deux zones stratégiques du Maroc : le Rif et l’Atlas. Ce qui fera d’elle très rapidement, une place militaire convoitée par les dynasties souhaitant mposer leur domi- nation sur le Maroc.
Ce fut notamment le cas des Almohades qui en firent une place d’armes une fois la ville sous leur autorité vers 1132. Avant eux, au Xème siècle, les Meknassa avaient déjà bâtis à l’entrée de Taza, un couvent fortifié pour barrer la route aux peuples envahisseurs qui attaquaient du côté est.
Une ville des dynasties
Des conquérants que Taza a donc toujours intéressés comme point de lancement de la conquête du reste du Maroc. Ce qui fait que la ville a vécu sous le commandement de dif- férentes dynasties. Les Meknessa et Idrissides en furent les premiers maîtres. Mais c’est avec les Idrissides que Taza commença à jouer son rôle stratégique. A la mort d’Idriss II, son fils Mohammed confia à son frère Daoud une partie de la fédération qu’il créa et celui- ci s’installa à Taza.
En 1074, Youssef Ben Tachfine s’empare à son tour de la ville. C’est l’époque des Almo- ravides. Tout au long du XIème siècle, Taza demeure sous son autorité avant de tomber dans les mains des Almohades en 1132 sous la conduite du sultan Abdelmoumen. Taza devient alors la capitale provisoire du Maroc. Cette période verra la construction d’unemuraille entourant la médina. L’objectif était de se protéger des Beni Mérine, originaires des régions présahariennes qui fonderont pourtant leur dynastie cinquante ans plus tard : les Mérinides.
Ceux-ci imposent à leur tour leur domination et règnent sur cette forteresse tant convoitée. Pour assurer leurs arrières, les Mérinides renforcent les remparts de la ville. Nous sommes au XIVème siècle. Mais la dynastie des Saadiens entre aussi en jeu et dicte ses lois sur la ville durant le XVIème siècle tout en se protégeant des attaques de l’extérieur en renforçant elle aussi la forteresse de Taza. Toutefois, c’était sans compter avec la détermination d’une autre dynastie au XVIIème siècle : Les Alaouites. Sous la conduite
de Moulay Rachid, ils s’emparent de la ville et mettent ainsi fin à ce cycle de successions
de dynasties sur le Maroc et sur Taza également.
Aujourd’hui, à l’ère de la mondialisation, Taza n’entend pas se laisser distancer par des villes jadis moins rayonnantes qu’elle. Le projet d’énergie éolienne, parmi ceux en cours sur ce «couloir du vent» montre bien que Taza peut aussi jouer un grand rôle dans le Maroc moderne.
Quelles perspectives pour Taza ?
La cité veut revenir dans la cour des grands mais elle semble n’être qu’à ses premiers balbutiements. Taza est bien dotée par la nature, mais il lui faut mettre en valeur ses atouts et surmonter ses handicaps. A l’instar des autres provinces de la région Taza – Al Hoceima–Taounate (nord), Taza compte en majorité une population rurale. Selon les données du recensement de 2004, plus de 75% des habitants de cette région qui compte plus de 6% de la population marocaine sont des ruraux. Le taux d’urbanisation reste inférieur à la moyenne nationale (55%). Ce qui explique en partie la prédominance de l’agriculture dans la province de Taza et de ses environs, en plus des nombreux cours d’eau dans cette partie du royaume. 29% des exploitations agricoles de la région sont à Taza, mais elles sont en majorité de petites tailles. La province doit encore faire des efforts pour mieux développer ses activités agricoles, ainsi que son industrie.
En effet, celle-ci reste embryonnaire, en dépit de la disponibilité des ressources naturelles et des matières premières. L’industrie agroalimentaire, la confection et les industries du bois en sont les plus représentées. 55% des unités industrielles de la région sont concentrées à Taza. De nouvelles zones industrielles sont mises en place et devraient enrichir le secteur industriel de 2500 emplois supplémentaires. L’exploitation du futur parc éolien devrait elle aussi donner un coup de pouce supplémentaire à l’essor de l’industrie tazi. Ce qui donnera également plus de visibilité à la province sur le plan national.
Seul passage facile d’Est en Ouest, la « trouée de Taza » fut de tout temps, comme son nom (dérivé du berbère « tizi » signifiant passage) l’indique, un couloir d’invasion pour l’Afrique du Nord. Les Romains, les Arabes l’empruntèrent ; maintes fois elle vit le flux et le reflux des conquérants berbères. Dès le 10, s. les Meknassa bâtissent à l’entrée de cet important couloir un couvent fortifié, destiné à barrer la route aux envahisseurs venant de l’Est. Tombée aux mains des sultans dès le siècle suivant, Taza devient une puissante ci- tadelle : elle sera désormais une pièce maîtresse entre les mains des différentes dynasties. Taza correspond à une superposition des différentes strates des civilisations qui se sont succédé au Maroc, au fur et à mesure des invasions et des conquêtes. Taza préhistorique, tout d’abord, est représentée par la grotte de Kifan Bel Ghomari, où ont été mis au jour des silex taillés de toutes sortes (grattoirs, racloirs, pointes de flèches…) ainsi que des sé- pultures taillées dans le roc. Tout indique par conséquent que cette civilisation avait pour caractéristique les travaux dans les rochers.
A l’époque berbère, Taza constitue tout d’abord un simple oppidum puis devient une vé- ritable forteresse lorsque les rois, au faîte de leur puissance, purent affronter Rome. De la confrontation avec la civilisation romaine, les Berbères ont rapporté leurs idées et leurs méthodes. De cette époque, datent en effet les fragments des remparts en moyen appareil, dont fait partie le Bordj El Melouloub ou Tour Sarrasine, à la forme remarquable. Comme certaines tours romaines, elle est d’abord rectangulaire vers le rempart puis demi-circu- laire à l’extérieur.
Les Berbères ramenèrent également de Rome les techniques de la poterie, d’où la décou- verte de nombreux débris de poterie au lieu dit Sab El Mâ. On y trouve des lampes à huile, des burettes à huile, des pots à soupe, à couscous, des vases à anses, de petites amphores, au dessin généralement géométrique.
La conquête arabe se fit en deux étapes : au VIIIème siècle puis au XIè, qui correspond à une période de destruction avec l’invasion hilalienne qu’Ibn Khaldoun décrit en ces termes : « comme un vol de sauterelles, ces avides conquérants ne laissaient rien derrière eux ». «Ces avides conquérants», c’est-à-dire les Beni Hilal et les Beni Soleïm, nomades origi- naires du Hedjaz, envahirent et pillèrent tour à tour l’Arabie, l’Egypte et enfin l’Ifrikya. Se succèdent alors les Almoravides puis les Almohades, parmi lesquels Abd El Moumen, qui résida longtemps à Taza.
Sous son égide, une enceinte en tabia remplace le rempart antique berbère, tout en en utilisant les ruines et en en conservant les portes. A la fin du XVème siècle, l’art subit les influences européennes et plus particulièrement une influence hispano-portugaise symbo- lisée à Taza par El Bastioun notamment. Cette construction cubique en briques constitue un élément primordial de la défense. Sa façade est percée de quatre ouvertures de style roman, tandis qu’au deux tiers de sa hauteur totale, se situe une terrasse crénelée flanquée à droite et à gauche de deux tours carrées.
Idrissides :
L’allégeance des tribus habitant la région de Taza et la vallée de l’Inaouen (Ghiata, Sdarata, Tsoul…) au fondateur de la dynastie Idrisside ont permis à la ville d’être un point stratégique pour l’empire montant. À la mort d’Irdiss II, son fils Mohammed créa une fédération et confia à son fils Daoud le pays de Houara, Tsoul, Meknassa et Ghiata. Daoud s’installa à Taza.
Meknassa :
À la chute des Idrisside, Ibn Abi Elafia s’empare de la ville et fonde sa dynastie. Il s’emparera ensuite de Fès et de la majeure partie du Maroc avant d’être défait par les Fatimides. Il se replie alors à Taza, où il y fait bâtir un Ribat.
Almoravides / Almohades :
En 1074 le sultan almoravide Youssef Ibn Tachfin prend la ville. Taza demeure sous son autorité tout au long du XIe siècle puis est enlevée en 1132 par le sultan almohade Abd al-Mumin et déclarée capitale provisoire des Almohades. Pour lutter contre les Banû Marin (des Zénètes originaires des régions présahariennes qui fonderont la dynastie des Mérinides cinquante ans plus tard), le sultan almohade fait éle- ver une muraille autour de la médina.
Mérinides :
Au déclin des Almohades, leurs successeurs mérinides occupent Taza dés 1216, considérée alors comme « la clé et le verrou du Gharb », comme le souligne l’auteur du Bayân :
« Une fois installé à Taza, Abû Yahya, prince mérinide, fit battre les tambours et hisser les bannières. De toutes parts, les chefs de tribus accompagnés de délégations vinrent lui présenter leur hommage. Car il avait auparavant occupé le rang d’émir au sein des tribus Banû Marîn, mais sans tambours ni étendards. » .. C’est au méchouar que se situe la me- dersa mérinide, dont Abou El Hassan Ali dota la ville.
La reconstruction de la grande mosquée almohade de Taza, en 1291, marque l’édification de la première construction d’influence mérinide conservée.
La belle médersa de Taza fondée par le prince Abou El Hassan Al Marini à 13231.
El Mansour qui voulait fermer la porte du Maroc aux Turcs. entreprit la restauration des remparts de Taza, et leur adaptation aux nouvelles conditions de la guerre de siège, aux- quelles répondait le Bastioun.
Alaouites :
Au xviie siècle, pour s’ouvrir les portes de Fès, Moulay er-Rachid s’em- pare de Taza et s’y installa en 1665. Il devient le premier sultan de la dynastie alaouite, toujours en place aujourd’hui. Moulay er-Rachid construisit son Dar elMakhzen au sud de la ville – à l’opposé de la grande mosquée. Mais il n’oublia pas le grand sanctuaire de sa capitale provisoire.